L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a exprimé aujourd'hui son inquiétude quant à l'impact potentiel du COVID-19 sur la sécurité alimentaire, qui risque d'aggraver le fardeau déjà considérable de la malnutrition en Afrique. L'impact de la maladie devrait être plus important chez ceux qui sont aux prises avec la pénurie alimentaire et la malnutrition, tandis que l'insécurité alimentaire généralisée augmentera probablement en raison des restrictions de mouvement.
« Le COVID-19 survient en Afrique dans un contexte où prédominent des niveaux inquiétants de faim et de sous-alimentation. Ces derniers pourraient s’aggraver à mesure que le virus menace les moyens de subsistance et les économies des ménages », a déclaré Dr Matshidiso Moeti, directrice régionale de l'OMS pour l'Afrique. « La faim et la malnutrition accroissent la vulnérabilité aux maladies, ce qui pourrait avoir des conséquences de grande ampleur si l’on ne remédie pas à la situation de manière adéquate ».
En Afrique, on estime qu'une personne sur cinq est sous-alimentée et que 30 % des enfants de moins de cinq ans - environ 59 millions d'enfants - présentent un retard de croissance, ce qui est supérieur à la moyenne mondiale de 21,9 %. L'émaciation touche environ 7,1 % des enfants en Afrique. Le continent a le fardeau de malnutrition le plus lourd en comparaison à d'autres régions du monde, en termes de pourcentage de la population. Bien que peu de recherches aient été menées jusqu'à présent sur la malnutrition en tant que comorbidité pour le COVID-19, les personnes dont le système immunitaire est affaibli par la sous-alimentation sont plus exposées à toute une série de maladies graves et sont donc susceptibles d'être plus gravement touchées par le virus.
Selon de récentes estimations, 73 millions de personnes en Afrique souffriraient d'insécurité alimentaire aiguë. Le COVID-19 aggrave les pénuries alimentaires, car les importations alimentaires, le transport et la production agricole ont tous été entravés par une combinaison de mesures mises en place comme le confinement, les restrictions de voyage et la distanciation physique.
Le poids des restrictions de mouvement et du confinement est particulièrement ressenti par les ménages à faible revenu et ceux qui travaillent dans l'économie informelle en raison de la perte de leurs moyens de subsistance et de leur incapacité à accéder aux marchés. Certains pays ont déjà annoncé des mesures visant à atténuer certains des risques de blocage de l'approvisionnement alimentaire, depuis les distributions en nature jusqu'à l'annonce cette semaine par les chefs d'État de la Communauté de l'Afrique de l'Est de leur intention de mettre au point un mécanisme de suivi et de certification des chauffeurs de camions transfrontaliers afin de garantir la livraison en toute sécurité des biens essentiels.
Mais la malnutrition est également une préoccupation pour les ménages qui avaient les moyens de faire des réserves de nourriture avant les mesures de confinement. Une plus grande consommation d'aliments transformés et en conserve combinée à une réduction de l'exercice physique pourrait aggraver l'obésité et le diabète, des facteurs de risque qui ont été documentés comme augmentant la gravité du COVID-19. Le dernier rapport mondial sur la nutrition estime que 17 % des femmes et 7 % des hommes en Afrique sont obèses.
« Nous ne sommes pas tous égaux face au COVID-19, et le fait que nous ayons ou non une alimentation saine et équilibrée est un facteur clé dans la façon dont notre corps réagit au virus », a déclaré Dr Moeti. « Si nous ne mangeons pas assez, ou si nous ne mangeons pas assez sainement, notre corps aura plus de mal à combattre l'infection du COVID-19 ».
L'OMS a élaboré des directives sur la manière de maintenir une alimentation saine pendant le confinement, en soulignant l'importance des grains entiers, des céréales, des lentilles, des pois et des haricots. L'OMS publie également des orientations sur les mesures que les pays devraient mettre en place alors qu’ils procèdent au déconfinement.
« Alors que les pays commencent à assouplir leurs mesures de confinement, les services de santé essentiels doivent être en place pour relever les défis posés par la malnutrition », a déclaré Dr Moeti. « Il est important de se rappeler que l'assouplissement d'un confinement ne doit pas être considéré comme un événement isolé, mais comme un processus dynamique, fondé sur des données. Si les preuves épidémiologiques suggèrent que les restrictions doivent être maintenues, les gouvernements doivent s'assurer que des mesures sont prises pour atténuer la faim qui pourrait résulter de ces restrictions ».
L'OMS recommande aux États membres de fournir une assistance aux ménages en situation d'insécurité alimentaire, de veiller à ce que le matériel médical et les capacités de traitement soient réservées à la prise en charge des patients souffrant de malnutrition aiguë, et à ce que des mécanismes de dépistage et d'orientation des patients souffrant de malnutrition aiguë soient mis en place.