
L’un des poumons économiques de la région du Gontougo et de la ville de Bondoukou (Nord-est) en particulier est la culture de l’anacarde dont le stockage et la commercialisation sont fortement impactés par l’apparition de la maladie à Coronavirus COVID-19, obligeant les acteurs de la filière à s’adapter à cette crise sanitaire qui n’épargne aucun secteur d’activités.
Les producteurs expriment leurs craintes face aux effets néfastes du COVID-19
Depuis la survenue de la maladie à Coronavirus en Côte d’Ivoire en mars 2020, les activités liées à la production, au stockage, à la commercialisation et à la transformation de l’anacarde ont fortement baissées, suscitant des inquiétudes de la part des acteurs de la filière notamment, les paysans producteurs qui n’arrivent plus à écouler leur produit.
Dans la sous-préfecture de Kotouba (département de Nassian), les paysans de de cette localité ne cachent plus leurs craintes malgré l’opération d’enlèvement de 200 mille tonnes de noix de cajou au prix de 400 FCFA/kg annoncée par l’Etat de Côte d’Ivoire à travers son ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Kobenan Kouassi Adjoumani.
Ouattara Abdoul Karim, producteur de 20 ha d’anacarde, a indiqué que les paysans sont « dans le chaos » depuis l’arrivée de la pandémie car aucun acheteur ne se hasarde à venir vers eux pour la commercialisation du produit. Il a fait savoir que compte tenu de la persistance de la crise sanitaire, les planteurs se sont dirigés vers le Conseil du coton et de l’anacarde pour les aider à trouver des potentiels acheteurs qui pourront livrer directement la marchandise au port d’Abidjan.
Pour Kouakou Roland, propriétaire de cinq hectares de plantation d’anacarde, la maladie à Coronavirus a plongé les paysans dans la tristesse et le désarroi car il était impossible pour lui de liquider sa marchandise, se trouvant du coup confronté à un épineux problème de stockage. « Nous avons beaucoup de besoin, mais nous n’avons pas les moyens pour subvenir à ces besoins parce que on ne paie pas notre marchandise », a-t-il déploré.
Si la crise sanitaire a frappé de plein fouet les paysans producteurs d’anacarde, elle a également touché les groupements d’associations coopératives qui ont dû stopper entièrement ou partiellement leurs activités de commercialisation pour faire face à cette pandémie.
Interrogé par l’AIP, le président de la Coopérative des producteurs d’anacarde de Bondoukou (COPABO), Kouamé Kouman Patrice a relevé qu’à cette période de l’année, sa production, estimée entre 2 000 T et 3000 T a seulement atteint 15% au lieu de 40%, selon les prévisions. Il a affirmé que les contrats signés avec des partenaires étrangers relatifs à la livraison du produit et à la formation des producteurs sont en suspens ou simplement annulés.
M. Kouamé a fait savoir l’Assemblée générale de la COPABO prévue dans le mois d’avril, pendant laquelle les grandes orientations relatives à la campagne 2020 sont prises, a été purement reportée du fait du COVID-19.
« Nous sommes tous bloqués et nous ne savons pas comment la situation sanitaire va évoluer mais, nous espérons que nous ferons partie du programme d’enlèvement d’anacarde par le Gouvernement », a-t-il déclaré. Il a invité ses pairs à être patients en respectant les mesures barrières édictées par l’Etat pour éviter la maladie.
Quant à Ayié Adou Alain Raphaël, le président de la société coopérative des producteurs de café, cacao et anacarde de Bondoukou (SCOOPACAB), il a fait savoir que les grands pays consommateurs d’anacarde touchés par la pandémie sont aujourd’hui préoccupés à juguler ce fléau avant de se pencher sur la consommation de cajou.
Selon lui, les gros acheteurs comme les Indiens ne peuvent plus venir en Côte d’Ivoire du fait de la fermeture des frontières et de peur de contracter la maladie à Coronavirus. Ce qui a ralenti toutes les activités, a-t-il ajouté.
Il a déploré l’attitude de certains acheteurs véreux qui profitent de cette crise sanitaire pour acheter les produits auprès des paysans à des prix en deçà de celui fixé par l’Etat de Côte d’Ivoire. « Au lieu de nous aider, ils passent leur temps à saper la commercialisation et c’est vraiment dommage », a-t-il regretté.
Lueur d’espoir dans la commercialisation de l’anacarde
Le gouvernement ivoirien a décidé de mettre à exécution un plan de riposte face aux effets néfastes de la pandémie dont l’un des axes est l’achat, dans les prochains, jours de 200 mille T de noix de cajou auprès des producteurs.
Ce qui devrait leur permettre d’écouler leurs stocks dans le contexte de la crise sanitaire. Cette opération sera menée par le Conseil du coton et de l’anacarde et le Groupement d’intérêt économique des exportateurs professionnels des produits agricoles (GIE-GEPPA).
Cette décision a été saluée par les acteurs de la filière, notamment le président de la SCOOPACAB, Ayié Alain. Il a souligné que l’initiative permettra l’enlèvement du produit et son stockage en attendant une reprise normale des activités commerciales. « Il appartient à nos dirigeants de faire une bonne répartition pour que sur le terrain, on sente que le Gouvernement a vraiment apporté un peu de gaieté dans le cœur de nos parents qui sont entrain de souffrir», a-t-il conseillé.
En marge de cette action du Gouvernement, d’autres coopératives agricoles ont déjà entamé l’opération d’enlèvement de la noix de cajou dans le district du Zanzan (Régions du Bounkani et du Gontougo). Il s’agit notamment de la Société coopérative des producteurs agricoles de la région des savanes (COOPARES), dirigée par Konaté Mamadou.
Lors du lancement à Kotouba d’une opération d’achat de la noix de cajou, Konaté Drissa, coordonnateur des activités de la COOPARES, a indiqué qu’il s’agit pour sa coopérative d’aider les producteurs à vendre leurs produits au prix de 400 FCFA/kg en vue de faire face à la maladie à Coronavirus qui a ralenti les activités liées à la commercialisation de la noix de cajou.
« Nous sommes là pour rassurer nos parents producteurs que nous luttons pour eux et nous voulons la bonne qualité et nous nous assurerons qu’il n’y aura aucun grain d’anacarde en stock chez nos parents producteurs», a-t-il promis, soulignant que plusieurs équipes ont été déployées sur le terrain pour la réussite de l’opération.
La COOPARES compte sillonner tout le district du Zanzan pour enlever toute la noix de cajou afin de lutter contre les acheteurs véreux qui achètent le produit à des prix en deçà de celui fixé par le Gouvernement ivoirien.
Cette action, appuyée techniquement par le Conseil du coton et de l’anacarde a été saluée par de nombreux paysans sur place qui ont montré fièrement leur bon d’achat, comme pour attester de la réalité de l’opération. il s’agit de Yao Kouassi Delphine, productrice et surtout Kouadio Kouakou qui a vendu trois sacs d’anacarde au prix de 400 FCFA le kilogramme.
Pour le délégué régional du Conseil du coton et de l’anacarde du Bounkani, Koné Mamadou, l’Etat sera toujours présente pour soutenir toutes les coopératives qui procèderont à l’enlèvement des stocks d’anacarde au prix de 400 F CFA. Il a indiqué que le Conseil du coton et de l’anacarde a invité la COOPARES à travailler directement avec les producteurs sans faire appel aux intermédiaires afin que les paysans soient satisfaits.
« Je suis heureux car depuis des semaines il n’y avait pas d’enlèvement de stock au niveau de la région et cette activité est la bienvenue », a-t-il fait savoir, soulignant que cette action permettra aux producteurs de subvenir à leurs besoin face au COVID-19.
La maladie à Coronavirus a fortement ralenti les activités liées à la commercialisation de la noix de cajou dans le Gontougo, mais des actions sont menées par l’Etat de Côte d’Ivoire et des coopératives sur le terrain pour amenuiser les impacts négatifs de cette pandémie sur les conditions de vie des producteurs.
Reportage réalisé par Alain Zagadou
AIP