Neurologue au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Treichville, Dr Diakité Ismaïla, souligne dans une interview accordée à l’AIP, que la prise en charge de l’Accident vasculaire cérébral (AVC) constitue une urgence médicale qui peut s’avérer chirurgicale. Selon le médecin, l’AVC représente un problème majeur de santé publique en Côte d’Ivoire.
Qu’est-ce que l’AVC ?
L’Accident vasculaire cérébral (AVC) comprend trois termes : Accident pour tout ce qui arrive de façon brutale, Vasculaire, pour les vaisseaux nourriciers du cerveau en lui apportant l’oxygène et le sucre nécessaires au bon fonctionnement du cerveau et enfin Cérébral pour « le cerveau », un assemblage de neurones (nerfs). Pesant en moyenne 1325 grammes chez l’homme et 1124 grammes chez la femme, le cerveau a de multiples fonctions permettant à l’homme de parler, raisonner, rester vigilant, mobile et de sentir ses membres, etc.
Les vaisseaux du cerveau acheminent du sang contenant de l’oxygène et du sucre pour le bon fonctionnement du cerveau. Donc une interruption brutale de la circulation du sang dans les vaisseaux du cerveau entraine un AVC.
Par ailleurs, il existe deux types d’AVC. L’AVC ischémique (occlusion des vaisseaux), le plus fréquent avec 85% des cas et l’AVC hémorragique (déchirure des vaisseaux) qui reste le plus mortel avec 15% des cas.
Quel est le taux de morbidité et de mortalité de l’AVC en Côte d’Ivoire ?
L’Accident vasculaire cérébral constitue un véritable problème de santé publique en Côte d’Ivoire. Cette maladie touche environ 15 000 personnes et en tue près de 10 000 par an. Il est la principale cause du handicap chez le sujet jeune, la deuxième cause de mortalité et la deuxième cause de démence.
Il représente le premier motif d’hospitalisation dans les services de neurologie en Côte d’Ivoire. Selon l’OMS, en 2030, environ 23,6 millions de personnes mourront dans le monde des maladies vasculaires cérébrales.
Quels sont les principaux facteurs de risques ou causes de l’AVC ?
Le principal et puissant facteur de risque de l’AVC est l’hypertension artérielle (HTA). Elle multiplie par neuf le risque de faire un AVC. En Côte d’Ivoire, il est à l’origine de 75% des AVC diagnostiqués dans les services de neurologie. Il fragilise les vaisseaux en favorisant leur obstruction ou leur déchirure.
En dehors de l’hypertension artérielle, les autres facteurs de risque sont le diabète, l’inactivité physique, le stress, l’obésité, les problèmes cardiaques, la migraine, l’âge, les contraceptifs, la consommation d’alcool, de tabac et d’autres drogues comme le cannabis.
L’AVC est-elle une maladie héréditaire ?
Il n’est pas clairement défini, à ce jour, une corrélation entre l’Accident vasculaire cérébral et l’hérédité. En revanche, des constats ont été faits et les démembrements sont en cours pour répondre à l’affirmative.
Quels sont les signes de l’accident vasculaire cérébral ?
Il faut noter que l’AVC peut survenir à tout âge. La survenue brutale ou soudaine des symptômes suivants doit faire évoquer un AVC. il y a la paralysie d’un membre ou l’engourdissement, l’incapacité à articuler ou à parler, la déviation du visage, un trouble de l’équilibre en marchant, une céphalée inhabituelle ou encore un coma ou perte de connaissance.
Que faire face à des signes précurseurs d’un AVC ?
Il n’est pas nécessaire de faire saigner le patient en lui faisant une piqure sur le doigt. Mais il faut plutôt l’allonger sur le dos et appeler immédiatement le Service d’aide médical d’urgence (SAMU) pour l’évacuer dans un service de neurologie ou de prise en charge de cette maladie.
Comment se fait, justement, la prise en charge d’un AVC ?
Depuis deux décennies, la prise en charge de l’AVC a connu une révolution en Europe et en Amérique avec la mise en place de la thrombolyse qui consiste à déboucher en urgence les vaisseaux bouchés de l’AVC ischémique et la prise en charge en urgence d’une forte hypertension artérielle au cours de l’AVC hémorragique.
Cependant, cette révolution est encore à la traine en Afrique, particulièrement en Côte d’Ivoire. En revanche, une structure privée en Côte d’Ivoire pratique cette technique. La prise en charge de l’AVC est une urgence médicale et parfois chirurgicale par une prise en charge rapide du patient.
Un vaisseau occlut ou bouché empêche l’arrivée du sang au cerveau (AVC ischémique). La prise en charge urgente dans les quatre heures 30 minutes après le début des symptômes permet une désobstruction des vaisseaux par de nouvelles techniques, notamment, la thrombolyse (injection de l’actilyse dans les veines pendant une heure de temps), associée ou non à la trombectomie (désobstruction des vaisseaux par une microchirurgie). Ces techniques permettent la récupération spectaculaire des symptômes présentés par le patient dans les heures ou jours suivants.
Quant à la thrombectomie, elle est pratiquée depuis les années 2015 en complément de la thrombolyse. Elle consiste à retirer le caillot à l’origine de l’occlusion par une microchirurgie au niveau des vaisseaux du cerveau. Elle n’est pas pratiquée dans tous les cas car elle respecte des principes. Elle peut se réaliser jusqu’à la sixième heure après le début des symptômes.
Ce traitement reste onéreux. Il se réalise pour le moment dans une structure privée de la place, non disponible dans le public. Au-delà des quatre heures 30 minutes, la thrombolyse n’est plus nécessaire car inefficace.
La déchirure des vaisseaux (AVC hémorragique) est généralement favorisée par une forte hypertension artérielle. Donc sa prise en charge consiste dans les six heures de temps, à obtenir une chute de la forte pression artérielle (inférieure à 140/90 millimètre de mercure (MmHg) dans les six heures suivant l’apparition des signes.
Que faire lorsque le patient n’est pas pris en charge dans les délais que vous prescrivez ?
Si le patient ne bénéficie pas des nouvelles techniques, il se peut qu’il garde des symptômes comme la paralysie ou la difficulté à parler. Dans ces cas de figures, il fera des séances de rééducation pour une meilleure récupération.
Quelles précautions conseillez-vous pour éviter un AVC ?
Etant donné que le traitement spécifique (thrombolyse et trombectomie) n’est pas accessible à tous à cause du coût, il est indéniable d’insister sur les moyens de prévention suivants, avoir une alimentation saine et équilibrée, consommer des fruits et légumes tous les jours, consommer du poisson deux fois par semaine, limiter les aliments trop sucrés, éviter de manger trop salé et trop gras, éviter de fumer, éviter de consommer l’alcool, avoir une activité physique régulière et éviter la sédentarité.
Après un AVC, comment éviter une autre crise ?
Après un premier épisode d’AVC, il faut insister sur la prévention pour éviter un deuxième.
Il faut mieux sensibiliser le patient sur la prise régulière des médicaments prescrit par le médecin (contre la tension artérielle, le diabète éventuellement, diabétique inconnu ou connu, etc.).
Comment se fait la rééducation d’une victime d’AVC ?
Après un AVC, si le patient a une paralysie d’un membre ou a du mal à parler, il réalisera la rééducation. Elle s’effectue par un kinésithérapeute (spécialiste de la réadaptation à la marche) et un orthophoniste (spécialiste de la réadaptation à la parole), ainsi qu’un appui psychologique.
Que proposez-vous en termes de sensibilisation pour réduire la prévalence de l’AVC en Côte d’Ivoire ?
Au niveau de la sensibilisation, beaucoup reste à faire, notamment dans la prise en charge de l’AVC dans les hôpitaux. Il faut sensibiliser le grand public sur les facteurs de risque de cette maladie, impliquer l’Etat dans l’équipement des hôpitaux à travers un plateau technique renforcé dans les établissements sanitaires publics et réduire les coûts des médicaments pour la prise en charge de l’AVC.
(AIP)