Jamais relégué sportivement dans toute son histoire, l'Africa Sport National d'Abidjan, ancien vainqueur de Coupes d'Afrique, vivra probablement la saison prochaine en D2 ivoirienne. La conséquence, notamment, d'un bicéphalisme qui a fini par asphyxier un club longtemps présent dans le gotha continental.
C'est arrivé mercredi après-midi, à l'issue d'un match de la 13e journée. Battu par l'USC Bassam (3-1) au stade Robert Champroux de Marcory, l'Africa Sports d'Abidjan est relégué en D2 pour la première fois de son histoire, 74 ans après sa création. La formation dirigée par son ancien joueur, Comara Yacouba, ne compte que huit points après 13 journées.
Les Aiglons ont récemment perdu leur match de la 9e journée sur pénalité contre l'ES Bafing (1-1 sur le terrain) après que leur adversaire ait dénoncé l'utilisation d'un joueur, Kouadio Arsène Désiré, qualifié hors-délai. Un point précieux abandonné dans la course au maintien. Cette chute au purgatoire constitue un véritable coup de tonnerre pour un club réputé partout en Afrique, dix-sept fois champion de Côte d'Ivoire et vainqueur de la Coupe nationale à 21 reprises, également vainqueur de deux éditions de la défunte Coupe d'Afrique des vainqueurs de Coupes (1992, 1999), de la Supercoupe d'Afrique (1993) et finaliste de la C1 africaine en 1986. Son dernier titre, une Coupe nationale, avait été conquis en 2017. En Championnat, il faut remonter à 2011.
Longtemps dirigé d'une main de fer par Simplice Zinsou, dont le long mandat à la présidence est étroitement associé à la conquête de titres sur la scène africaine, le club a notoirement perdu de sa superbe dans la dernière décennie. Il y eut ces dernières années un conflit pour la présidence qui opposa Cheick Oumar Koné à Alexis Vagba, avec deux groupes de joueurs et de multiples rebondissements judiciaires. Le club, qui ne dispose pas - contrairement à son rival de l'ASEC - d'un siège propre et d'installations lui appartenant, a continué de s'embourber dans les problèmes entre Vagba et cette fois, Antoine Bahi, toujours pour la présidence. Deux camps quasi-irréconciliables, chacun possédant son groupe de joueurs et un entraîneur ! À chaque match, les deux techniciens avaient la lourde responsabilité d'aligner, en retenant une moitié de joueurs de chaque camp, un onze ne s'entraînant même pas ensemble...
Des joueurs privés de salaires
L'entrée en jeu du CONOR (Comité de normalisation de la FIF) ces dernières semaines - cette instance a elle-même nommé un président de comité de normalisation, Yves Zogbo Junior - et la situation toujours plus dramatique des joueurs privés de salaires depuis de nombreux mois - ils avaient manifesté avant un match - a fini par plonger l'Africa dans une spirale négative et disons-le, destructrice. Les joueurs, quelques heures avant le match contre Bassam, auraient été payés, au moins partiellement. Il est bien difficile de deviner aujourd'hui quel sera l'avenir de cette institution qui, dans un autre siècle, recrutait les meilleurs joueurs africains dans la sous-région, Nigérians, Ghanéens, Guinéens, Sierra-Léonais, etc. On pense à un Rashidi Yekini par exemple.
Qu'est-ce qui pourrait sauver l'Africa d'une relégation dans l'immédiat ? Une saison blanche en D2 sans montées, peut-être, avec un statu quo en D1. Ou bien un changement de format de la compétition (actuellement deux poules de sept) et un passage à seize clubs, qui sait ? Si tel n'est pas le cas, et à moins d'un hypothétique projet de reprise sérieux avec un chronogramme précis et des dirigeants qui optent pour un professionnalisme sobre plutôt qu'une gestion à la petite semaine, l'Africa est peut-être parti pour manger son pain noir durant quelques années. Car il fait froid en D2 ivoirienne, demandez donc au Stella d'Adjamé tout juste remonté, ou au Stade d'Abidjan, qui y végète toujours...
Frank Simon
Source : Martial Gohourou