Intelligence artificielle et journalisme : un outil puissant, mais pas un substitut au journaliste

« Contrairement aux craintes souvent exprimées, le métier de journaliste et de communicant ne disparaîtra pas à cause de l’IA », a affirmé Younoussa Sanfo, mettant en avant le rôle de l’intelligence artificielle dans la lutte contre les fake news et la désinformation, un sujet qui a suscité de nombreux échanges lors de la session. « Grâce à des algorithmes de plus en plus performants, l’IA peut faciliter le fact-checking en analysant et en comparant rapidement de multiples sources. Cependant, mal utilisée, elle peut aussi contribuer à la propagation de contenus trompeurs », a expliqué l’expert en cybersécurité.

Au-delà de cette vigilance, il a insisté sur les opportunités qu’offre l’IA aux professionnels des médias et de la communication, dont sa capacité à débusquer les fausses informations, générer des contenus pertinents et affiner la compréhension des publics. Toutefois, il a souligné que l’intelligence artificielle ne remplace pas le journalisme, mais le complète. « L’IA est un outil au service des journalistes et des communicants, mais elle ne saurait se substituer à leur expertise et à leur jugement », a-t-il soutenu, insistant sur la nécessité d’une utilisation raisonnable de cette technologie.

Cette réflexion sur l’IA et le journalisme s’inscrit dans un contexte, où les acteurs du secteur s’interrogent sur son impact. En effet, lors du Sommet pour l’Action sur l’IA organisé à Paris les 10 et 11 février 2025, les cinq médias fondateurs de l’alliance « Public Service Medias - Alliance for facts » (TV5MONDE, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, INA) ont présenté le rapport « Cartographie des enjeux et usages de l’IA pour le journalisme ».

Ce document dresse un état des lieux des possibilités qu’offre l’IA aux médias, tout en examinant les enjeux liés à son développement, notamment dans le domaine de l’IA générative. Il met en évidence les tâches chronophages qu’elle pourrait prendre en charge dans la collecte et la préparation de l’information, certaines étant déjà automatisées.

« Transcrire des interviews, des archives audiovisuelles ou des rushes de tournage prend désormais quelques secondes à quelques minutes avec des outils automatiques, là où plusieurs heures étaient nécessaires à des humains », illustre le rapport.

En rédaction, l’IA joue également un rôle dans la vérification de l’information, ou « fact-checking », un aspect évoqué par M. Sanfo.

Dans cette dynamique d’innovation, en novembre 2023, l’ONG Reporters sans frontières (RSF) et l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) annonçaient leur collaboration pour le projet "Spinoza", visant à développer une IA générative open source dédiée aux journalistes.

Le 10 février dernier, alors que s’ouvrait le Sommet pour l’Action sur l’IA au Grand Palais, les deux partenaires ont publié le rapport « SpinozIA, vers un journalisme augmenté et éthique », qui présente les observations et conclusions issues de cette expérimentation.

Ce projet vise à « développer un outil d’intelligence artificielle, par et pour les journalistes, garantissant la propriété intellectuelle des médias sur leurs publications », tout en étant « au service d’une information fiable et d’un journalisme de confiance ».

Dans ce rapport, Reporters sans frontières formule dix recommandations destinées aux médias afin de définir un cadre éthique et technique pour l’usage de l’IA en journalisme. Ces recommandations sont les suivantes :

1-Encadrer les usages et pratiques de l’IA dans les rédactions sur la base de références éthiques ;

2-Développer des extensions du projet Spinoza et les partager avec la communauté journalistique pour permettre leur audit par des tiers ;

3-Initier des projets collaboratifs de développement d’outils d’IA entre médias ;

4-Respecter le droit voisin des éditeurs de presse et le droit d’auteur des journalistes ;

5-Mobiliser les méthodes de travail journalistique dans la conception des systèmes génératifs et nommer des responsables éditoriaux ;

6-Maintenir à jour les bases de données utilisées dans les outils d’IA générative et s’assurer de leur fiabilité ;

7-Tracer l’origine de toutes les sources utilisées dans les bases de données ;

8-Adapter les prompts à chaque base de données ;

9-Définir les prompts de manière collaborative ;

10-Rester indépendants dans l’usage des LLMs.

Rappelons que l'intelligence artificielle est un ensemble de théories et de techniques visant à réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine. Souvent classée dans le domaine des mathématiques et des sciences cognitives, l'IA fait appel à des disciplines telles que, les statistiques, ou l'algèbre linéaire. Elle vise à résoudre des problèmes à forte complexité logique ou algorithmique. Par extension, dans le langage courant, l'IA inclut les dispositifs imitant ou remplaçant l'homme dans certaines mises en œuvre de ses fonctions cognitives.